San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)

Publié le par Machu y Picchu

San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)

Ce sont nos derniers jours au Chili. Nous ressentons une appréhension sourde. Les voyageurs nous parlent de la Bolivie qu’ils ont quittée soulagés : ce qui nous attend, paraît-il, c’est un autre univers, un autre temps, où les transports sont vétustes, les lits durs, les gens âpres.

Hier soir, devant la porte de l’auberge, nous avons rencontré Javiera et Catalina, deux sœurs chiliennes. On leur a proposé de nous accompagner pour notre dernière excursion dans le désert, mais elles n’ont pas osé se prononcer. Plus tard dans la soirée, alors qu’on préparait le repas, elles nous ont retrouvés timidement à l’auberge. On s’est donné RDV au petit matin.

Atacama n’a pas grand-chose à voir avec les déserts de nos imaginations. Ce ne sont pas les champs de cactus des westerns, comme ceux du nord de l’Argentine ; ce ne sont pas non plus les dunes de sable, comme celles de la côte péruvienne. Ici, ce sont des kilomètres, des kilomètres, des kilomètres de plateau sec, qui nous font oublier l’altitude de 2500m. En guise d’oasis, des lacs salins ou des touffes de végétation. La vie n’est pas tout à fait absente : flamants, vigognes… et quelques humains : on compte 0,17 habitant par kilomètre carré (par comparaison, il y en a 1,9 en Mongolie, le pays le moins dense du monde, et 21 000 à Paris). À quoi pense-t-on quand on s’endort dans un petit village perdu dans cette immensité ? À rien de tout ça. Les nuits fraiches sont animées, la variété de langues et de visages contrastent avec la longue solitude d’une journée dans la poussière.

Ce matin, nous sommes à nouveau quatre dans l’habitacle du 4x4. C’est reparti pour les présentations. Comment vous vous appelez ?, vous venez d’où ?, vous allez où ensuite ?...  On commence à se lasser du rituel, on voudrait pouvoir sauter cette étape. Peut-être qu’on devient snobs ! Mais avec Javiera et Catalina, c’est différent. Elles vivent leur premier grand voyage à deux. De leur Valdivia natal, en Patagonie, à San Pedro, il y a 2500 km et tout un monde de distance. Étrange Chili… Si petit partout et si grand pourtant.

Au nord-est du village, la route ne tarde pas à grimper. Nous atteignons les extrémités de la vallée et le pied des montagnes aux teintes d’ocre qui sont les gardiennes de deux déserts : celui d’Atacama, au Chili, et de l’autre côté, les haut-plateaux boliviens. À quelques kilomètres derrière les fenêtres du pickup, une imposante silhouette coiffée de neige marque la frontière avec la Bolivie. C’est le Licancabur. Il est à l’image de la Bolivie : il renferme d’effrayants mystères. Dans son cratère se trouve un lac qui n’a rien de terrien : à 5 920m, c’est l’un des dix lacs les plus élevés du monde (quatre autres se trouvent ici, à Atacama !) et les conditions atmosphériques y sont plus proches de celles de la planète Mars que de la nôtre (une petite pensée pleine d’effroi pour les scientifiques qui y ont plongé en 1982 pour savoir si la vie était possible sur la Planète Rouge…).

San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)

Nous avons gagné de la hauteur sur la vallée, nous nous rapprochons des 3000m. Difficile de ne pas s’arrêter tous les 200m pour contempler le paysage. Il nous manque une Ingeburg pour nous dire – ou plutôt, pour dire à Macchu : « I don’t want to stress you, but we will never arrive anwyhere if we stop at every turn… »

Deux lamas nous barrent la route. Puis d’autres arrivent par derrière et finalement par-dessus les talus au bord de la route. Un âne s’approche de la vitre et passe sa tête pour faire des bisous à Machu. Si les animaux s’y mettent on n’y arrivera jamais, effectivement !

San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)
San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)
San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)

La route sillonne dans les cols entre les montagnes toutes sèches sous leur bonnet de neige et les plans d’eau saline fréquentés par les flamants et les vigognes. Quel tableau ! Avec le rose des oiseaux, le cuivre des montagnes, l’ocre et le safran du sable, le charbon des blocs de lave, on dirait qu’on voyage dans une crème vanille-fraise-chocolat saupoudrée de poivre.

San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)
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On n’a pas d’indication d’altitude mais on doit être haut, l’air se raréfie et le vent souffle. C’est comme si on n’avait jamais été aussi proche du ciel. Vous savez quand le ciel bruxellois est lourd et qu’il se referme sur nous comme un couvercle ? Ou bien quand les nuages donnent l’impression d’avoir été peints en 2D sur une toile bleue ? Et bien c’est tout le contraire. Ici, les nuages semblent suspendus entre deux eaux. Ils surgissent disproportionnés derrière la crête des montagnes comme si on avait rogné sur l’horizon.

San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)
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À part quelques camions et des cabanons plus ou moins abandonnés, on ne voit personne pendant des heures ! Les filles s’installent dans le coffre ouvert du pickup pour quelques centaines de mètres à travers la Galette Monstre géante.

Tout d’un coup, un col est franchi et une autre vallée s’ouvre loin en-dessous de nous. Au milieu de l’étendue pierreuse, des rochers semblent avoir été semés par un très grand Petit Poucet. On se rapproche et on finit par comprendre que ces cailloux sont de gigantesques monolithes, des buildings de pierre. Nous sommes dans un immense champ de gratte-ciel éparpillés. Ou de phallus. Quoi? On dit des phalli?

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On a lambiné. Il faut déjà faire demi-tour. Javiera et Catalina sont tout sourire. Comme nous, elles doivent se dire que « ça change des tours organisés ».

En repassant par les cols de montagne, on arrive à hauteur de deux petites silhouettes aux mines enfoncées sous des casquettes. Des auto-stoppeurs. Qui les prendra, si pas nous ? On s’arrête. Ils jettent leur sac dans le coffre avant de les rejoindre.

San Pedro de Atacama : PARTIE IV. ¡ Adios Chile ! (7/03-8/03)

En descendant dans la vallée, quelqu’un tambourine contre la vitre arrière. On avait presqu’oublié nos passagers. Ils nous demandent de descendre « ici ». Ici ?! Mais y’a que dalle ! San Pedro n’est encore qu’une ombre, des kilomètres devant nous, et tout autour il n’y a qu’une étendue interminable de terre sèche écrasée de soleil. On n’a pas trop le temps d’essayer de les retenir, les gars emmènent leur silhouette trapue en forme de vieux blousons dans une folle diagonale à travers le désert. Ce n’est même pas la direction du village ! Il n’y a pas grand-chose à faire, nous repartons… avant de donner un coup sur les freins. « Attendez !! » Ils n’ont pas l’air d’avoir envie de faire demi-tour. Nous leur tendons des bouteilles, ils se décident à rebrousser chemin pour emporter quelques litres d’eau, puis reprennent leur chemin de mort.

Les taux d'UV n'ont pas repoussé nos autostoppeurs...

Les taux d'UV n'ont pas repoussé nos autostoppeurs...

Quand la route approche San Pedro et que nous dépassons le poste de police douanière, nous comprenons enfin… Des clandestins…

Demain, il faudra retourner à Calama pour rendre le pick-up. Dernière formalité, faire le plein. Amis lecteurs, qu’y a-t-il de plus anodin ? Vous sortez de la route, vous vous alignez le long du distributeur, vous chopez le bras de caoutchouc et vous laisser glouglouter, pas vrai ? Eh ben bordel, vous n’avez pas fait le plein à San Pedro ! D’abord il faut trouver la station-service, alors rien que ça, c’est Ford-Boyard, tu dois parcourir un labyrinthe de rues à sens unique tellement étroites que Maggie Deblock peut pas y tendre les bras, et ces cons de touristes restent plantés au milieu de la route en te regardant avec des yeux de poisson mort (forcément, en plein désert) et puis c’était pas la bonne rue alors tu galères à faire marche arrière sans tomber dans la rigole, parce que bien sûr, ces cons d’habitants du désert ils maîtrisent à merveille les techniques d’irrigation, et puis tu trouves enfin l’adresse qui s’avère être un hôtel, tu hésites, mais ça doit être là, y a une file comme au Drive-In un soir de Superball, avec au moins autant de Ricains dans leurs connes de jeep, mais toi aussi t’es assis dans une conne de jeep, et puis tu rentres dans le parking d’un hôtel et à l’arrière du parking de l’hôtel il y a un passage étroit qui mène à la station-service (authentique !!) et pour pouvoir remplir ton réservoir tu dois répondre à une énigme du père Fourras (inauthentique !!). On vient de passer quatre jours dans un désert, mais je vous garantis que le vrai défi, c’était de se procurer ces 60 litres de diésel !

L’explication, là voici : il y a quelques années encore, la pompe se trouvait à l’extérieur du village. Mais l’agglomération a grandi très vitre et sans concertation urbanistique, créant un dédale autour de la station-service.

Machu range le gros pickup rouge en marche arrière dans le parking de l’auberge, une dernière fois. Le soleil se couche sur des beautés étranges et des silences partagés entre des inconnus : elles, deux sœurs en quête d’indépendance, nous, deux voyageurs qui voudraient se débarrasser de l’odeur de touriste, eux, deux migrants qui fuient la pauvreté sous l’œil impitoyable du soleil.

Nuit.

Les sacs sont à nouveau ficelés, nous les installons sur la banquette arrière comme deux compagnons de route taciturnes. Nous laissons la petite chambre vide derrière nous et quittons l’auberge suisse, trop grande, trop froide. Derrière nous, nous avons laissé une longue cicatrice dans le désert. Une de plus parmi des milliers.

À Calama, le pickup rejoint ses innombrables jumeaux rouge vif sur le parking de l’aéroport. Personne ne s’inquiète de l’état du véhicule, mais par contre ça traîne au guichet. Une compensation avait été promise suite aux mésaventures de la carte de crédit (cf. PARTIE I. Débuts difficiles (1/03-5/03)), mais cette parole est vite oubliée. Alors se produit le truc qui ne se produit jamais : le guichetier décide de prendre sur lui et nous fait cadeau de quelques frais ; puis il nous demande d’attendre deux minutes, disparait un long moment et quand on finit par se dire qu’il nous a oubliés, il réapparait avec sa veste sur le dos, nous emmène sur le parking et nous fait monter dans sa voiture en nous expliquant qu’à cette heure-ci (milieu de l’après-midi), plus aucun vol n’atterrit et qu’il n’y a donc plus de taxis. C’est ainsi qu’on a fait la connaissance de Claudio.

Pour un peu, Claudio nous réconcilierait avec Calama. Pour lui, cette ville, c’est surtout l’opportunité d’un travail. Il a le tempérament doux des gens de la côte. Il lève le voile sur une énigme qui nous taraudait : Claudio, pourquoi les pick-ups de Calama sont-ils équipés d’une longue perche ?

  • Ça, c’est pour la mine.
  • La mine ?
  • Chuquicamata. Les camions sont si grands qu’on voit pas les pickups, alors on les a équipés de perches avec un petit drapeau pour pas rouler dessus.

C’est impossible ! Alors Claudio dégaine son GSM pour nous montrer des photos. On a du mal à croire ce qu’on voit. Pour vous faire une idée, voici les mots du Routard :

« Déjà connue des Incas, cette mine de cuivre à ciel ouvert est la plus grande au monde. Elle contient à elle seule 13% des réserves connues et dessine un gigantesque cratère de près de 5 km de long, 4 km de large et 900 m de profondeur ! (…) Transportant jusqu’à 400 t de minerai, [les camions] sont chaussés de roues de 4 m de diamètre ! » Dès 1915, les Américains ont développé son exploitation à l’échelle industrielle : « des décennies durant, seul le dollar avait cours ici ! (…) Chuquicamata et la mine jumelle de Radomiro Tomic (à 8 km) emploient près de 8 500 ouvriers pour produire quelque 1 300 000 t de cuivre par an (…). [Elle] reste la mine la plus riche de l’histoire, avec plus de 31 millions de tonnes de cuivre retirés de ses entrailles au fil du temps ! Et ce n’est pas fini : pour permettre de produire encore, la compagnie a entrepris une nouvelle phase d’exploitation souterraine. En 2007, le camp de travailleurs de Chuquicamata, devenu une vraie ville, a été fermée pour protéger les travailleurs et leurs familles de la pollution et tous sont partis s’installer à Calama. Mais les mauvaises langues affirment que c’était pour mieux creuser sous les maisons abandonnées ! »

Photos: http://www.reuters.com/article/us-codelco-accident-idUSKCN1152K5 et https://s14-eu5.ixquick.com/cgi-bin/serveimage?url=https:%2F%2Fi.ytimg.com%2Fvi%2FN_i0dqhLJzA%2Fmaxresdefault.jpg&sp=ffabbcb11afdecf713b5e7774700a56cPhotos: http://www.reuters.com/article/us-codelco-accident-idUSKCN1152K5 et https://s14-eu5.ixquick.com/cgi-bin/serveimage?url=https:%2F%2Fi.ytimg.com%2Fvi%2FN_i0dqhLJzA%2Fmaxresdefault.jpg&sp=ffabbcb11afdecf713b5e7774700a56c

Photos: http://www.reuters.com/article/us-codelco-accident-idUSKCN1152K5 et https://s14-eu5.ixquick.com/cgi-bin/serveimage?url=https:%2F%2Fi.ytimg.com%2Fvi%2FN_i0dqhLJzA%2Fmaxresdefault.jpg&sp=ffabbcb11afdecf713b5e7774700a56c

Le Che s’est battu avec le contremaître qui exploitait les indigènes ; il paraît que c’est lui qui a poussé Allende à nationaliser la mine, qui apparait d’ailleurs dans Diarios de motocicleta. C’est un « monde de géant » commente une bloggeuse, « où des pelleteuses capables de soulever 60 tonnes à la fois, remplissent des camions aussi grands que des maisons ». Elle résume : « La seule raison pour laquelle il y a un hôtel à Calama, et un aéroport, et une bonne route d’asphalte, et tout simplement la seule raison pour laquelle Calama existe, c’est le cuivre. Le désert d’Atacama a peut-être l’air d’un terrain vague, mais sous la terre se cache d’énormes ressources minérales – de l’or, de l’argent, du manganèse, du zinc, du molybdène, mais surtout du cuivre. » (http://palinstravels.co.uk/book-451).

Tout d’un coup, Calama donne l’impression de n’être qu’une antichambre, un poste avancé. Toute son économie est tendue vers cet immense trou, à 16 kilomètres d’ici.

Rapidement, il faut se faire à l’idée que nous ne quitterons pas Calama ce soir. Aucun départ pour la Bolivie avant le petit matin. Le meilleur hôtel d’après le Routard est une sorte de pension d’ouvriers. On patiente longtemps devant la porte avant que l’œil de bœuf s’obscurcisse. On nous reçoit froidement dans un pavillon où toutes les chambres aveugle, qui ressemblent plutôt à des cellules, s’alignent le long d’un couloir carrelé faisant office de long réfectoire. Pas beaucoup d’affluence en ce moment, les tabourets sont rangés sur les tables en formica. Nous sommes les seuls pensionnaires, un seul néon luit dans l’alignement glauque de fenêtres intérieures. Nous déposons nos sacs contre le lit superposé qui occupe la moitié de l’espace de la chambre aux murs défraîchis.

Heureusement, Claudio nous a donné rendez-vous dans la soirée. Sans lui, nous serions coincés entre une ville qui nous effraie et une pension morne. Nous parcourons les rues à la recherche d’un supermarché pour faire le plein de vivres car nous partons très tôt demain. Un homme en poncho, avec une grosse moustache et un chapeau à bord plat nous ouvre la voie. Des chiens faméliques ont envahi la place, que rejoindront ce soir les prostituées. Dans tout le pays, les mauvaises langues appellent Calama la ville des 3P : putas, perros, papeles (putes, chiens, crasses). Si vous avez 3 min, jetez un œil sur cette beauté du désert :

Il y a quelque chose dans l’histoire du Chili, son passé économique, l’arrivisme à l’Américaine, la dictature taboue de Pinochet, qui fait que dans certaines régions, dans certaines villes, semblent s’être agglomérée toute la laideur du monde. D’après une étude informelle menée par un site de culture underground qui visait à lister le flop 5 des villes Chiliennes, Calama arrive en deuxième position… (http://www.calabozomutante.cl/opinion/las-ciudades-mas-fomes-y-pajeras-de-chile/). 80% des personnes interrogées ont détesté la ville et ajouté des commentaires comme : « Si t’habites ici et que t’es mineur, putain mais qu’est-ce qui s’est passé dans ta vie ? » ou « C’est comme un western de seconde zone mais avec des mineurs salaces à la place des cowboys durs à cuire ».

Mais Claudio est bien déterminé à nous montrer un autre visage de la ville. Il est avec son cousin et son fils. Même si le carrefour où nous avons RDV est digne des bas-fonds d’un bon GTA, nous nous transportons bientôt dans un marché consacré à l’agriculture et aux artisanats locaux, un lieu tout à fait improbable dans cette ville. Les peuples des montagnes alentours sont représentés, chacun avec son stand et sa spécialité, outils en bois, vêtements de laine, étranges légumes, préparations de plantes. La Bolivie n’est pas loin. Les maraîchers affichent des visages dont les traits nous sont indéchiffrables.

Claudio reconnait un objet de son enfance. C’est une boite en fer, comme pour les pellicules de film, mais petite, qui contient un onguent capable de soigner toutes les blessures, nous dit-il. On se chope une de ces potions magiques, sans savoir qu’elle nous servira quelques jours plus tard…

Et nous voici à partager un BBQ à la Chilienne (i.e. 100% viande) au bord du canal, sur des tables en plastique, dans une atmosphère de vacances aoutiennes. Claudio ajoute une expression à notre liste de « chilenismes » : hacer perro muerto (« faire chien mort »), c’est-à-dire partir sans payer. Et propose sourire aux lèvres de joindre le geste à la parole…

Nous retrouvons notre toute petite chambre éclairée au néon et les douches communes. Demain le réveil sonnera à 4h du mat’ et nous embarquerons dans un petit bus, après avoir fait la file pendant que le moteur chauffait sur un parking encombré de paquets et de sacs en plastique à carreaux, avec des gens à chapeaux emmitouflés dans des couches laineuse ou des vestons fanés.

Un matin pareil ça s'immortalise

Un matin pareil ça s'immortalise

¡ Adios Chile !...

Une fois de plus, la frontière est un goulot. Dans le désert qui fait frontière, une simple barrière, quelques cabanons et, du côté bolivien, des sortes d’échoppes avec des vendeuses de pain. Il faut passer la limite à pied, après avoir obtenu un tampon et quelques papiers (qu’on ne nous remettra jamais et qui nous vaudront une amende à la sortie du pays, une arnaque bien huilée) auprès d’un fonctionnaire imbuvable en habits militaires.

Une dernière recommandation des autorités chiliennes avant de se quitter...

Une dernière recommandation des autorités chiliennes avant de se quitter...

De retour à bord du bus, une dame nous propose d’échanger nos billets à un taux « avantageux ». Comment savoir s’il faut lui faire confiance ? Les transactions boursières se multiplient à mesure que la petite dame parcourt l’allée centrale tandis que les roues avalent du bitume. C’est la première d’une longue série de situations décourageantes où la limite est floue entre l’officiel et l’officieux, le douteux et le fiable, le légitime et l’abusif. Tout le pire en Bolivie est déjà contenu dans ces premières heures de bus : arnaque à la petite semaine, routes dangereuses, transactions informelles, contacts difficiles.

Ça promet !...

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