Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille

Publié le par Machu y Picchu

Résumé de l'épisode précédent : en gros, quitter Puerto Guadal est une galère...

On arrive enfin à Puerto Rio Tranquilo. C’est un petit village sur un tronçon asphalté de la carretera, au bord d’un très beau lac propice à la pêche. La petite plage a l’air un peu abandonnée avec ses herbes sauvages, mais les familles viennent y profiter du soleil en fin d’après-midi, quand il n’y a pas de bruine. Nous avons entendu parler d’un camping-hospedaje au fond du village, « derrière le stade ». Nous ne tardons pas à trouver le dit stade, une plaine où paissent les chevaux, avec deux buts aux extrémités et une tribune.

Le camping, très mal nommé « Bella Vista », se trouve au seul endroit du village d’où on ne voit ni le lac, ni les montagnes ; il est un peu rustique, les chambres nous font préférer la tente, mais la famille est tellement drôle que ça rattrape tout. La proprio, une petite femme énergique et autoritaire, nous prête des couvertures pour ne pas avoir froid la nuit dans notre tente. Nous faisons rapidement connaissance avec le reste de la famille : enfants, petits-enfants, cousins, on ne sait pas très bien combien ils sont. On leur propose de faire une bouffe ensemble le soir et c’est marché conclu, chacun fera une partie des courses de son côté. Le camping est en fait leur maison de vacances : ils viennent à la fois travailler et profiter de la nature.

Puerto Rio Tranquilo connait une agitation inhabituelle ces jours-ci : un tournoi de rodéo – une sorte de rodéo traditionnelle de la région, très appréciée des Chiliens du Sud mais encore peu prisée des touristes – a lieu dans le fameux stade, et cet après-midi, c’est la finale. Quelle chance on se tape ! Des gens sont venus des régions alentour pour assister à ça.

La bruine débarque pour rendre le spectacle encore un peu plus pittoresque. Le jeu consiste à tenir le plus longtemps possible sur un cheval sauvage. Depuis les tribunes, nous avons parfois l’impression de voir des pratiques violentes avec les animaux, mais les gens nous assurent que la seule raison pour laquelle ils sont si agités, c’est parce qu’ils n’ont jamais été domptés. Le nom des jinetes (cavaliers) est annoncé dans les hauts parleurs sur fond de musique traditionnelle, jouée par un groupe en tenue de gaucho. Nombre de garçons et filles portent des vêtements traditionnels : petits foulards, bottes de cuir, ceinturons, chapeaux ou bérets ; les touristes sont rares. On découvre quelques spécialités, comme la sopaipilla, une petite galette de maïs chaude que l’on recouvre généralement de pebre, un mélange de tomates, d’oignons et de cilantro finement coupés. Un délice. Dans un coin du champ, les gauchos font rôtir au feu de bois six agneaux entiers sur des broches fichées dans le sol, selon la pratique traditionnelle.

Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquillePuerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille
Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille

Les uns à après les autres, les jinetes se font jeter à terre pas les chevaux fous de rage. L’animateur annonce le temps à battre, quelque chose comme dix petites secondes. Invariablement, les chevaux finissent par retrouver leurs semblables au grand galop. Quel spectacle !

Splendides photos de Raph
Splendides photos de Raph
Splendides photos de Raph
Splendides photos de Raph
Splendides photos de Raph

Splendides photos de Raph

Ce soir-là, autour de la grande table du salon aux murs de lambris, chauffés par la cuisinière à bois dont on éteint jamais le feu, ça discute sec. Cette famille est étonnante. La dueña est partie et on dirait bien que les souris dansent. Un cousin avec une tête d’intello se lance dans la politique chilienne, mais bientôt la conversation dévie sur les goûts des Chiliens en matière de femmes. Il regarde alors Picchu et lui lance sans tact : « Toi, par exemple, tu me plais pas ». Imaginez la tête de Picchu qui n’avait pas suivi la conversation ! Le mec précise ensuite : « Je veux dire, tu es trop fine pour moi. Moi il me faut de la chair, c’est comme ça ici ». Presque bien rattrapé.
Les quelques jours suivants ne sont pas très animés : nous sommes là pour voir les fameuses « chapelles de marbre », mais le temps venteux nous oblige à remettre à plus tard (les eaux du lac doivent être plates si nous voulons faire la visite en kayak et ainsi éviter les bateaux pleins de touristes). Promenades, découvertes culinaires (les Chiliens sont très forts en tartes et en chacareros, burgers au haricot) et progrès dans le blog… Pendant cette période, on vous a gâtés ! Les soirs, Raph et Nath nous dévoilent toute l’étendue de leurs talents de campeurs, bien équipés, bien préparés. Ensemble, nous réalisons des merveilles sur leur petit réchaud, sous les yeux jaloux des autres campeurs serrés dans la chaleur du quincho.

Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquillePuerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille

Arrive le 27 janvier. C’est l’anniversaire de Raph. Avec Nath, ils sont partis marcher sur le glacier San Rafael (ça tombe bien !) et on ne les a pas suivis car on a déjà marché sur le Viedma – on est blasés, quoi. On se dit qu’on va faire une surprise à notre pote. Quelle belle après-midi on a passé à fouiller les kioskos, ces petits magasins qui servent de supermarché à la plupart des villes et villages d’Amérique du Sud, à la recherche de déco pour un anniversaire digne de ce nom. La tâche n’est pas aisée. Comment ils font les gens d’ici ? Pas moyen de trouver quoi que ce soit d’un peu coloré : que de l’utile voire du nécessaire.

Petite parenthèse : dans ce genre de moment, ce qui n’aide pas, c’est le manque de jugeote des Chiliens. On voudrait pas prendre les gens de haut, mais y a un moment où le doute n’est plus permis : beaucoup de Chiliens ont du mal à prendre des initiatives quand on leur pose un problème nouveau. Par exemple, si vous dites « est-ce que vous avez ceci ou cela » et qu’ils ont quelque chose qui pourrait tout à fait convenir mais n’est pas exactement ce que vous avez demandé, la réponse sera « non ». On a appris à ne plus faire confiance à un « non » et à chercher par nous-même ou a vérifier auprès de trois ou quatre personnes.

Ce jour-là, on entre dans un kiosko pas trop mal achalandé et on demande : « vous avez de la déco ou n’importe quel genre de choses qui pourrait servir à un anniversaire surprise ». La vendeuse n’hésite pas longtemps avant de dire « non ». On se dit qu’on va quand même vérifier par nous-même et… on trouve des ballons de toutes les couleurs, du cake. Pas Byzance, mais quand même ! Dans la foulée, on chope aussi de quoi faire des piñas coladas et une affiche « Joyeux Birthday » homemade.

Une heure plus tard, un peu sous pression car l’heure a tourné et on veut que notre surprise reste une surprise, on a tout accroché aux tentes et on est en train de faire les derniers préparatifs dans notre tente quand on entend les voix de Nath et Raph de retour de leur expédition. Depuis notre cachette on chante « Joyeux anniversaire » et ce qui nous fait vraiment plaisir, c’est que Raph est sincèrement touché.

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Tout enthousiastes, on s’allume un feu derrière les sanitaires, on entame des chansons au charango, mais la dueña qui est de retour met une fin sévère à nos réjouissances : « ça va pas non ? Si le garde-forestier vous tombe dessus, c’est moi qui vais avoir des ennuis ! Et en plus vous nous piquez nos bûches ! »Tout ça ne nous refroidit qu’à moitié et nous terminerons notre soirée autour d’une autre bonne bouffe avec nos cocktails.

Ce camping, même s’il a ses défauts, même s’il n’est pas très confo, même si le voisin complètement cinglé joue de la musique à fond jusqu’à 3h du mat’ et lâche les chiens sur ceux qui se plaignent, même si les douches sont froides et sales, il y a plein de petites choses qui lui donnent un charme particulier. Repenser à cet endroit, c’est se replonger dans une ambiance qu’on ne retrouvera plus nulle part, l’ambiance rude et magique de la Patagonie. La petite fille de la dueña qui passe son temps à cueillir des framboises et des cerises pour nous les offrir ; le petit chaton que la dueña tente tant bien que mal de faire fuir et qu’avec la gamine on cajole, on nourrit, on loge dans une caisse en carton ; la cheminée du quincho inattendue dans le mur de lambris ; la familiarité qui s’est installée avec les proprios…

Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille

Finalement arrive le jour de grand soleil tant attendu. L’une des plus belles journées de tout le voyage s’ouvre devant nous. Nous remontons la carretera austral sur cinq bons kilomètres, au milieu d’un splendide décor qui n’a rien à envier aux plus beaux coins de Suisse. Ça grimpe méchamment. Si vous pouviez entendre comment, depuis qu’on a quitté le village ce matin, nos deux amis s’extasient sur tout ce qu’ils voient. Deux vrais amoureux de la vie ! Ils nous rappellent Ingeburg. Les « Waaaaah ! » rieurs de Raph, les « Allo, allo, allo ! » de Nath résonneront dans nos mémoires dans tous les beaux moments de notre voyage, jusqu’en Bolivie et au Pérou. Ensemble, on chante, on se raconte des histoires jusqu’à plus soif. Ils ont vécu des choses tellement extraordinaires, des blizzards canadiens jusqu’aux sommets du Népal !

Photo de droite de RaphPhoto de droite de Raph

Photo de droite de Raph

Bientôt s’ouvre devant nous une vue étourdissante sur le lac. Un long zigzag plonge jusque sur les rives du lac où une petite entreprise installée sur une plage de rêve loue les seuls kayaks du coin. Tout d’un coup, avec le soleil, l’eau émeraude, les parasols de paille, on se croirait aux Caraïbes ! On a deux heures de totale liberté sur les eaux parfaitement lisses. En une petite vingtaine de minutes, on a rallié les chapelles de marbre. Ça, c’est l’un des trucs les plus dingues qu’on ait vus !

Photos de Raph, sauf la première
Photos de Raph, sauf la premièrePhotos de Raph, sauf la premièrePhotos de Raph, sauf la première

Photos de Raph, sauf la première

Les chapelles de marbre sont des grottes taillées dans des ilots de roche marbrée qui émergent au milieu du lac, à quelques dizaines de mètres de la côte. L’eau a rongé la base de ces énormes blocs qui ont pris un peu la forme de champignons. Les grottes sont suffisamment larges pour y passer en kayak. À l’intérieur, l’eau se reflète sur les parois de marbre. C’est magique !

De temps en temps, un bateau à moteur plein de touristes passe. Il est trop gros pour rentrer dans les grottes. En cinq ou dix minutes, il a fait le tour du site et est reparti pour Puerto Rio Tranquilo. Et nous on se regarde en disant : « quelle chance on a, qu’est-ce qu’on a bien fait de venir à la force de nos bras ! »

Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille
Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille
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Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille
Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille
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Puerto Rio Tranquilo & Coyhaique (25/01 - 30/01) : La vie est un long fleuve tranquille
Les photos du deuxième volet sont de Raph
Les photos du deuxième volet sont de Raph
Les photos du deuxième volet sont de Raph
Les photos du deuxième volet sont de Raph
Les photos du deuxième volet sont de Raph
Les photos du deuxième volet sont de Raph

Les photos du deuxième volet sont de Raph

Mine de rien, tout ça c’est du sport. Une équipe de quatre bons vivants comme nous se doit donc de s’installer sous un des parasols de paille et grailler un pique-nique de la mort qui tue. Quel doux moment passé sur ce coin de paradis.

Photo 3 de Raph
Photo 3 de RaphPhoto 3 de Raph

Photo 3 de Raph

Le chemin du retour est rendu très facile par la générosité d’un chauffeur qui nous prend en stop dans son bus vide.

Ce soir-là, on se rend compte que rejoindre Coyhaique ne va pas être une mince affaire. On commence à peine à s’habituer au rythme de la carretera austral. Tous les bus entre Puerto Rio Tranquilo et Coyhaique sont full jusqu’au surlendemain ; il faudra donc compter sur les bus en transit si nous ne voulons pas devoir rester une nuit supplémentaire, mais ceux-ci arrivent généralement pleins. Après bien des recherches et des discussions, l’un des propriétaires du camping nous trouve deux places à bord d’un minivan. C’est bien, mais on est quatre… Il faudra donc se résoudre à séparer le groupe en deux, en espérant que la seconde moitié puisse se faire prendre en stop – ce qui n’est pas gagné quand on voit la file d’autostoppeurs plantés tous les jours à la sortie du village ! Comme c’est leur habitude, Raph et Nath remettent la décision entre les mains du hasard : pile les places sont à nous, face elles sont à eux. Si seulement la pièce n’avait pas joué en notre faveur…

La nuit passe et nous embarquons à l’aube à bord du minivan, laissant Raph et Nath sur le trottoir, le pouce levé. Commencent alors six heures de route infernales (au lieu des quatre heures prévues) : des sièges sans appuie-tête dans un van bondé. Un passager écoute de la cumbia sur son GSM sans écouteurs (une pratique apparemment très courante dès que l’on quitte les bus luxueux d’Argentine, mais à laquelle on ne s’habituera jamais. En plus la musique au Chili, c’est vraiment de la merde) ! Puis on crève un pneu plat – démonstration des talents de mécanicien du chauffeur qui nous remplace ça en un clin d’œil. Bref, les paysages ont beau être splendide, c’est pas l’ambiance. Et toujours ces petits villages de taule ondulée plantés au milieu de la cordillère : l’ambiance de la Patagonie chilienne, en même temps chaleureuse et inhospitalière, loin de tout, qui peut pafois vous flanquer un drôle de cafard.

Quand on arrive à Coyhaique, on n’est pas au mieux de notre forme. On ne tarde pas trop à retrouver Raph et Nath qui ont su se débrouiller : ils auront réussi à se trouver une place à bord d’un bus et leur trajet aura finalement été assez confortable (toutes proportions gardées) !

Étrange impression dans les rues de Coyhaique, cette grande ville transit qui ajoute à la susdite atmosphère patagonienne les supermarchés et les carrefours encombrés. La nature nous manque un peu. Trouver un night shop ouvert au milieu de la nuit nous semble aberrant.

Notre expérience de la ville se résume à celle d’un voyageur en transit : excellent resto arrosé d’un bon pinard, sopaipillas autoproclamées « meilleures du Chili » saupoudrées de douleurs abdominales emportées dans la rue, nouvelle expérience de la qualité des tartes chiliennes dans un petit chalet en pin où un vieil Allemand nous raconte sa vie et chambre chez l’habitant où nous vérifions une fois de plus l’incongruité de l’architecture patagonienne, avec ces murs de lambris, cette taule ondulée, cette moquette, ce patchwork de linoléum gonflé par l’humidité, ces murs pas droits, cette odeur de souches humides et cette buse de poêle à bois qui traverse le milieu d’une des chambres…

Enfin, et surtout, nous nous rappellerons de Coyhaique comme l’endroit où nous avons oublié l’un de nos objets les plus précieux : le petit sac qui conserve les aliments au frais. Croyez-le ou non, du milieu du Chili jusqu’au nord du Pérou, impossible de trouver un petit sac pratique qui conserve les aliments au frais. Combien de bouteilles d’eau devenue chaude, de fruits pourris, de morceaux de fromage tournés cet oubli nous aura-t-il coûté ?

C’est tout pour aujourd’hui. Vous l’aurez compris, on n’a pas quitté Coyhaique avec le cœur lourd. Prochaine étape, Puhuyuapi, un autre coin de paradis au nom imprononçable peuplé de personnages étonnants…

PS : Tiens, pour les amateurs d’urbanisme, ça vaut la peine de regarder un plan de Coyhaique pour avoir un exemple extrême de la symétrie des jeunes villes d’Amérique du Sud (cf. http://www.routard.com/guide_voyage_lieu/33050-coyhaique.htm).

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M
Ah ah Olivier je t ai préparé le terrain tu me dois une carafe
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O
et picchu tient de la sienne,....
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M
Moi je trouve Picchu très très jolie et Machu a bon goût....il tient de sa madré
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A
Tres tres beau, tous ces paysages, je savais que c'etait dingue, l'argentine m'a retenue!!!
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